Chroniques des 4 saisons - Automne 2022
« J’ai dix ans,
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans,
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans… »
Alain Souchon – et de rien pour le ver d’oreille, c’est gratuit !
« J’en ai ma claque de TikTok. Marre d’avoir les yeux qui piquent à force de mater mon téléphone et ma tablette. Tout ça pour des vidéos de neuneus qui font des challenges tout pourris, d’influenceurs qui nous pètent les couilles avec leurs lives from Dubaï pour nous vendre des tas de camelotes, ou de conconspis persuadés que la Terre est plate quand c’est leur électroencéphalogramme qui l’est. Je vois bien que les réseaux, c’est un peu comme de la drogue. Même papa et maman ont parfois le seum à cause d’eux. L’autre jour, maman a dit qu’elle supportait plus les notifications et qu’elle se trouvait stupide de scroller des soirées entières sur Insta. Elle a dit qu’elle avait envie de déverrouiller son iPhone avec le gros marteau qu’est dans la caisse à outils de papa. Papa a répondu qu’il se verrait bien mettre le sien à jour avec un chalumeau ou une perceuse! Wesh, les parents ont la cafetière qui surchauffe des fois, mais là je trouve qu’ils ont un peu raison.
D’ailleurs, je vais leur montrer ce que j’ai trouvé aujourd’hui quand j’ai relevé le courrier en rentrant de l’école. Plein de pubs nulles malgré l’autocollant «Pas de publicité merci!», merci, vraiment, mais dans le lot y avait une brochure au look vintage, couleur jaune-vert marécage, avec marqué sur la couverture «Forum Meyrin nomade». Dedans, un paquet de spectacles qui promettaient enfin, pour passer un chouette automne, autre chose que des pixels et des placements de produits déprimants… parce que oui, des paires de Nike Ben & Jerry’s à 3000 boules, ça les fout, les boules.
Alors bon, vous voyez, j’oserais pas avouer à mes potes que ça me branche, et pourtant le cirque foufou genre PIC (27 septembre-2 octobre), son orchestre d’acrobates ou ses acrobates de musiciens, ben ça m’a l’air sacrément rock’n’roll!
C’est pas tout, c’est même que le début. Après, y a un temps fort jeune public, yolo! Le premier spectacle s’appelle Le Cirque Piètre (14-16 octobre): rien que le titre, ça fait du bien par où ça passe. Alors qu’on nous pousse de partout à dépenser un max de thune pour la croâssance, tout en nous invitant à économiser un max d’énergie sinon on va se chauffer au silex et s’éclairer à la bougie cet hiver, c’est trop satisfaisant de voir un cirque qui se la raconte pas! Le mec qui fait ça il est en mode chill out, peinard, ce qui l’empêche pas de retracer toute l’histoire de l’humanité… sans rameuter dix mille personnes sur la piste, sans flonflons ni costumes Wish. Une autre zarbi, c’est la meuf qui donne Je brasse de l’air (20-27 octobre). J’ai beau avoir passé l’âge des Kapla et avoir jamais croché avec les Lego Technics, sa ménagerie d’animaux mécaniques a l’air de déchirer grave! La suite est tout aussi barrée: KARL (28 octobre-2 novembre) raconte en version marionnettes l’histoire d’un tangram qui s’appelle… Karl. OK, se sont pas foulés sur le titre. Mais le pitch a l’air sympa. Karl, c’est le type qui gueulerait Ich bin ein Karliner en envahissant un pays étranger, l’est pas commode, du genre carré puissance trois. Du coup, quand un petit bout de lui se fait la malle, ça le saoule Karl, il est vénère, tellement qu’il fait le thug et qu’il se lance à la poursuite du petit bout en envoyant valser ses principes… À peine le temps de souffler que boum, Ziguilé (2 novembre) vous explose en pleine face! Ils sont que deux en pistes, un pro du parkour et une cador de la danse, et ils se chamaillent et font des figures que même Jackie Chan il en resterait baba. En fait, si on se mange des blackouts cet hiver, ces deux-là faudrait les enfermer dans une cage et les relier à une dynamo: ils produiraient assez de jus pour éclairer une petite ville! Pis vient Un Océan D’Amour (9-13 novembre), du théâtre de papier qui est pas en carton, où on suit les aventures d’un pêcheur qui se fait bouffer par un énorme bateau-usine et de sa femme, prête à remuer mers et océans pour retrouver son homme… Le dernier spectacle du temps fort jeune public, c’est Mange tes ronces! (9-12 novembre). Là on est dans le théâtre d’ombres. C’est ultrachou et super concernant, genre ceux qui ont déjà été lâchés par leurs nullos de parents chez une grand-mère au menton piquant (y a des vieux, on croirait qu’ils veulent se réincarner en cactus!), qu’a un jardin plein de mauvaises herbes et qui sert que de la soupe d’orties à manger… ben ceux-là ils seront touchés par l’histoire de ce jeune garçon en vacances forcées chez sa mamie. Et tous les autres aussi, parce qu’avoir les chocottes y a rien de plus naturel.
Pour se remettre, rien de tel qu’un dernier cirque zinzin pour la route! Et pour la route, c’est vraiment bien dit, c’est qui le boss 😉? Dans PANDAX (6-17 décembre), y a cinq frangins qui reviennent de l’enterrement de leur père au volant d’une Fiat… Panda, OK, se sont pas foulés sur le titre non plus. Les frères ils ont même les cendres du daron avec eux dans la bagnole! Et devinez? La caisse tombe en carafe pile sous un chapiteau. Oh! oh! Bref, voilà le prétexte pour une succession de numéros qui ressemblent à rien de connu. À ceux qui font les blasés, je dirai: vous avez déjà vu de la voltige à mobylette par exemple? Alors hein, profil bas!
Me reste plus qu’à filer cette brochure au gouvernement parental et à le convaincre de réserver quelques places. Ça va être coton, car ils sont tellement dépendants de leurs bidules électroniques les ancêtres… mais je sais qu’au fond, à la fin, ils me remercieront! »
Oliver Twistagain, 12 ans
