Lettres non écrites – un récit
David Geselson a recueilli, à l’automne 2021, les paroles intimes de particuliers ayant pris rendez-vous avec lui. Dont celles de la plume du TFM, Olivier Mottaz, qui partage ici son ressenti sur une expérience décidément peu commune.
Né pendant Occupation Bastille, le projet des Lettres non écrites repose sur un constat implicite et un contrat explicite.
Le constat ? Il n’est pas toujours facile de dire ou d’écrire ce qu’on a sur le cœur.
Le contrat ? David Geselson met en mots et, si vous le souhaitez, en scène vos non-dits[1].
Or, on a beau être soi-même rompu à la pratique de l’écriture, aimer les jongleries verbales, la fiction, les effets de plume ou de manche, on trouvera toujours en son for intérieur quelque parole inexprimée. Même le plus grand des bavards est souvent doué aussi pour faire le poing dans sa poche. C’est pourquoi je suis allé me confier à David Geselson.
Disons-le d’emblée : ce diable d’homme a dû être photographe dans une vie antérieure, ou il le sera peut-être si la métempsychose est autre chose qu’une fable. Le fait est qu’il est passé maître dans le choix de la bonne focale et l’aménagement d’une profondeur de champ adéquate. Il écoute avec tact, questionne avec délicatesse et restitue vos confidences avec une humanité folle. L’exercice est délicat, qui navigue entre impudeur et voyeurisme, sans jamais pourtant se fracasser sur la roche dure de tel écueils.
Bien sûr, qu’on ne compte pas sur moi pour relater ce que nous nous sommes dit. Sachez simplement qu’il est troublant – et aussi libérateur – de voir ses joies ou ses peines prendre vie dans les mots d’un autre. D’autant plus quand cet autre, par petites touches impressionnistes, module ou amplifie légèrement l’expression de tel sentiment, instille çà et là un humour détaché et subtil ou condense, en une phrase frappée comme une médaille, un cheminement de pensée tortueux dans sa conclusion logique. Celle-là même que nous nous refusions à voir, à exprimer.
Un palier supplémentaire est encore franchi quand on a la chance redoutable de voir « sa » lettre intégrée à l’une des lectures-performances données par le dramaturge. Ce soir-là de novembre 2021, Laure Mathis et David Geselson étaient là, devant un public attentif. Mes mots, nos mots ont pris vie sur le plateau, servis par deux interprètes tout en sobriété et en harmoniques subtiles. Et même si un léger sentiment de gêne peut vous étreindre lorsque les confidences que vous avez faites sont délivrées à la face du monde, on ressort de la représentation avec une conviction chevillée au corps : il importait que ces choses-là fussent dites.
Olivier Mottaz
[1] Les habitués du TFM savent déjà comment fonctionne le dispositif élaboré par Geselson. Pour tous les autres, ou pour un rappel utile des tenants et aboutissants dudit contrat épistolier, les infos sont résumées ici.
