Retour sur l'atelier "Trucs et astuces pour écrire un polar"

S’agissant de création littéraire, il y a deux écoles. La première table sur l’inspiration, le talent tripier, le branchement direct sur les muses qui, seules, gouverneraient l’art en fécondant l’esprit des romanciers ou des poètes. La seconde fait, au contraire, le pari que l’écriture est avant tout une technique et qu’elle peut être enseignée.

Au moment de programmer le spectacle Une série noire, le TFM s’est rangé du côté des modernes, des pragmatiques. Il a par conséquent invité Sonia Molinari, autrice du thriller initiatique Ne pas laisser le temps à la nuit (Editions Zoé, 2020), afin qu’elle vienne dispenser dans le cadre d’un atelier quelques conseils utiles aux écrivains en herbe. Et l’expérience fut belle et enrichissante.

Polyglotte, ancienne hôtesse de l’air, professeure de flamenco et chromothérapeute, entre autres casquettes, Sonia Molinari a eu mille vies et fréquenté mille lieux, d’où la maîtrise dont elle témoigne lorsqu’elle s’attache à décrire une scène ou à évoquer une atmosphère. Ainsi, elle a axé très naturellement son atelier sur l’art de susciter, de construire un imaginaire à partir de données sensorielles. Les participants, ont commencé par chausser des lunettes de couleur, puis ont mis à l’épreuve leurs sens de l’odorat, du toucher... À chaque étape, Sonia nous mettait au défi: il s’agissait de rédiger un bref texte inspiré des sensations perçues, un texte évocateur mais sans mention aucune du sens qui l’avait fait naître. Si vous aviez porté des lunettes rouges par exemple, vous deviez écrire un fragment en traduisant les émotions ressenties dans un autre registre perceptif, comme l’ouïe ou l’odorat. Vous aviez reniflé un petit pot rempli de café, d’encens ou de lavande? À vous de transposer les images y relatives sans vous référer aux sensations olfactives.

Au terme de cette gymnastique mentale inhabituelle, nous avons partagé la lecture des textes ainsi produits – et nous nous entendîmes sur le constat auquel Sonia voulait nous amener: lorsqu’on veut trousser un récit efficace, il est important de le lester d’informations sensorielles. C’est que le lecteur n’est pas seulement un cerveau, ou plutôt que le cerveau n’est pas un organe frigide: il a faim de matières, d’odeurs, de sonorités pour s’ébrouer dans l’imaginaire et donner chair aux mots.

Paru le: 04.05.22